Le sort des dettes dans la vente de fonds de commerce
La cession du fonds de commerce est l’opération par laquelle le cédant transmet à l’acquéreur l’ensemble des éléments d’actif qui composent le fonds, dont la clientèle. L’avocat intervient à toutes les étapes de la cession, de la préparation de la promesse à la rédaction de l’acte définitif. Il met en place des garanties et conseille le client quant aux techniques de valorisation du fonds de commerce. Se pose ainsi la question de la gestion des créances et des dettes attachées à l’exploitation du cédant. La jurisprudence confirme à nouveau dans un arrêt en date du 2 février 2022 que la vente du fonds n’emporte pas automatiquement le transfert des dettes du cédant au cessionnaire.
Éléments compris dans la vente du fonds de commerce
La vente du fonds de commerce repose sur une relation contractuelle de confiance. Le cédant doit ainsi transmettre les informations essentielles concernant l’exploitation du fonds cédé. Particulièrement importantes dans les phases de négociation, elles permettent de déterminer la composition du fonds et sa valorisation financière. Tout manquement à cette obligation d’information précontractuelle peut donc entraîner la nullité de la cession du fonds de commerce.
La vente du fonds de commerce emporte la cession de ses éléments incorporels :
- La clientèle ;
- Le nom commercial ;
- Le droit au bail ;
- L’enseigne ;
- Les droits de propriété littéraire et artistique comme les marques, brevets, logiciels, dessins et modèles ;
- Les autorisations administratives liées à l’exercice de l’activité, à l’exclusion des diplômes et conditions d’expérience professionnelle ;
Le transfert de propriété concerne également les éléments corporels du fonds de commerce comme le matériel, l’outillage (machines, mobilier, outils, véhicules, etc.) et les marchandises.
Par principe, la transmission du fonds de commerce ne concerne pas les contrats liés à son exploitation. Il appartient alors au vendeur de se rapprocher des divers interlocuteurs pour résilier les contrats qu’il ne souhaite pas poursuivre. La loi prévoit en revanche que la vente du fonds emporte la transmission des conventions directement liées à l’exploitation. Cela concerne le contrat de bail commercial, les contrats de travail, d’assurance et d’édition. Les parties peuvent par ailleurs convenir de clauses pour organiser le transfert de contrats conclus par le vendeur, sous réserve de l’accord des tierces parties concernées.
Exclusion des créances et des dettes
Les créances et les dettes nées à l’occasion de l’exploitation du fonds de commerce ne font pas partie des éléments du fonds. Par principe, elles ne sont donc pas transmises à l’acheteur lors de la vente. Ainsi, les créanciers du vendeur ne peuvent pas demander le règlement de leurs factures au repreneur. C’est une des principales différences avec la cession de titres de société qui opère le transfert de l’intégralité du patrimoine au cessionnaire. Il comprend l’ensemble des éléments d’actif et de passif de la société, car il y a continuité de la société. À ce titre, la société reste redevable des dettes nées antérieurement même si elles ne sont pas encore connues.
Les parties peuvent néanmoins prévoir une clause spécifique à l’acte de cession pour organiser le transfert d’une créance ou d’une dette à l’acquéreur. L’avocat peut ainsi conseiller son client quant à la mise en place de clauses stratégiques pour la poursuite de l’activité ou d’éléments entrant dans la négociation du prix de cession.
Le 7 décembre 2005, la Cour de cassation rappelait que le fonds de commerce se compose seulement de ses actifs. La cession du fonds n’emporte donc pas de plein droit le transfert des contrats liés à son exploitation, sauf convention des parties et exceptions prévues par la loi. Dans un arrêt du 30 avril 2009, les juges précisent en outre que le transfert du contrat n’est effectif que s’il est prévu dans l’acte de cession et clairement accepté par le cocontractant cédé.
L’arrêt rendu le 2 février 2022 par les juges de la chambre commerciale de la Cour de cassation est dans la continuité de la jurisprudence. Il rappelle que la vente d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit la cession du passif des engagements souscrits par le vendeur. Les créanciers ne sont donc pas recevables à agir envers l’acquéreur en paiement des dettes commerciales de son prédécesseur.
Transfert des créances et des dettes dans la vente du fonds de commerce
Les parties peuvent organiser le transfert des contrats au moyen de clauses spécifiques insérées dans l’acte de cession. Le transfert des dettes n’est cependant opposable à leurs débiteurs que si le vendeur et l’acquéreur réalisent les formalités requises. Il convient donc de signifier et d’accepter ce transfert.
Par exception, l’acquéreur est débiteur des dettes du cédant s’il paie son vendeur sans avoir accompli les formalités de publicité. Il en est de même s’il paie avant l’expiration du délai de 10 jours ouvert aux créanciers pour faire opposition.
Par ailleurs, le transfert automatique de certains contrats entraîne le transfert de créances spécifiques. C’est le cas de la créance d’indemnité d’éviction attachée au contrat de bail. À moins d’une clause contraire, la cession du fonds emporte la cession du droit au bail commercial et donc le droit au maintien dans les lieux ou au paiement de l’indemnité d’éviction.
Enfin, en application de l’article 1684 alinéa 2 du Code général des impôts, l’acquéreur est tenu d’une solidarité fiscale, pour le règlement de l’impôt sur les bénéfices réalisés par le cédant lors du dernier exercice. Cette solidarité est valable 90 jours. Le délai peut être réduit à 30 jours lorsque le vendeur est à jour de ses obligations fiscales.
cession de dettes, clauses contractuelles, jurisprudence 2022, transfert des dettes, vente fonds de commerce