Le préavis dans la rupture de relations commerciales établies
Particulièrement abondant, le contentieux de la rupture de relation commerciale établie fait à nouveau parler de lui. Sur la question d’une entreprise qui rompt brutalement une relation commerciale établie sans donner un préavis écrit, un arrêt de la Cour de cassation vient rappeler qu’elle engage sa responsabilité et s’oblige à réparer le préjudice causé à la victime. Il convient donc de respecter un préavis suffisamment long avant de mettre un terme à une relation commerciale établie. Est-ce à dire que la durée du préavis est d’ordre public, quelles que soient les dispositions prévues au contrat par les parties ? Le point avec votre expert sur le préavis dans la rupture de relations commerciales établies !
La notion de relations commerciales établies
La relation commerciale établie s’entend de toutes les relations commerciales. Il peut ainsi s’agir de la fourniture d’un produit ou d’une prestation de services. Elle désigne ainsi l’ensemble des rapports qu’une entreprise développe avec ses partenaires économiques : client, fournisseur ou distributeur. Elle peut d’ailleurs concerner aussi bien le commerçant qu’un artisan ou une association.
Une relation d’affaires peut donc constituer une relation commerciale établie dès lors qu’elle résulte de plusieurs années d’une relation régulière, significative et stable entre deux mêmes partenaires. Rien ne laisse alors penser à la victime que les relations ne vont pas se poursuivre dans le futur.
La notion de relation commerciale établie ne repose pas seulement sur un contrat écrit. Même en l’absence d’un contrat, la pratique considère qu’une relation commerciale est établie dès lors qu’elle répond aux critères précités.
L’articulation des règles entre ordre public et volonté des parties
L’article L 442-1 II du Code de commerce prévoit une durée du préavis d’ordre public en cas de rupture de relations commerciales établies. Il est fonction de la durée de la relation, des usages du commerce ou des accords interprofessionnels existants. Mais qu’en est-il alors de la convention des parties ? Faut-il considérer que le mécanisme légal empêche toutes dispositions contractuelles contraires ?
Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 juin 2023, les juges rappellent pourtant que la convention légalement formée tient lieu de loi aux parties. L’article L 442-1 du Code de commerce ne fait donc pas obstacle à l’application d’un préavis contractuel. Il doit en revanche tenir compte des critères d’appréciation de la durée du préavis applicable du fait de la rupture d’une relation commerciale établie.
Le juge de cassation recherche un équilibre entre le respect de la volonté exprimée par les parties et le caractère impératif du préavis visé par la loi. Le préavis contractuel constitue ainsi un minimum et s’impose aux parties. Mais il est susceptible d’être augmenté si l’évaluation de la durée du préavis imposé par l’article L 442-1 conduit à retenir une durée plus longue que celle prévue au contrat.
Les critères d’appréciation de la durée d’un préavis dans la rupture de relations commerciales établies
Le préavis doit permettre au partenaire lésé d’avoir le temps nécessaire pour reconstituer le chiffre d’affaires perdu du fait de la rupture. Sa durée doit donc être suffisamment significative pour donner professionnel le temps de se réorganiser.
Le juge peut donc intervenir pour modifier le préavis contractuel s’il n’est pas conforme au préavis légal. Le préavis applicable en cas de rupture de relations commerciales s’apprécie en fonction de critères multiples. Ils tiennent à la fois à l’historique entre les partenaires et des spécificités liées à l’activité :
- La durée de la relation commerciale ;
- L’état de dépendance économique ;
- Le volume d’affaires réalisé ;
- L’exclusivité ;
- Les dépenses non récupérables engagées par la victime de la rupture ;
- Le secteur concerné ;
- La notoriété du client.
En pratique, on estime que le bon préavis est de :
- 6 à 12 mois pour une relation datant de moins de 10 ans ;
- 12 mois pour une relation établie entre 10 et 20 ans ;
- 12 à 18 mois lorsque la relation commerciale date de plus de 20 ans.
La sanction d’une rupture brutale de relations commerciales établies
En réaffirmant la force du préavis contractuel, les juges rappellent d’une certaine façon la place essentielle de l’article 1103 du Code civil dans les relations contractuelles. Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits !
Le préavis contractuel constitue donc un socle minimum que le juge peut venir augmenter lorsque le contexte économique et juridique le justifie. La victime peut aussi assigner l’auteur de la rupture pour obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Rappelons que ce n’est pas la rupture en elle-même qui est sanctionnée mais son caractère brutal en l’absence d’un préavis suffisamment long. L’indemnisation est donc fixée en corrélation avec la durée de préavis que le juge estime nécessaire. Elle équivaut en quelque sorte au gain non réalisé lors du préavis qui aurait dû être accordé. Pour replacer la victime dans la situation dans laquelle elle serait s’il n’y avait pas eu de rupture brutale, on évalue les dommages et intérêts en fonction du manque à gagner au cours de cette période, de la perte d’une chance de pouvoir obtenir d’autres contrats durant le préavis et des frais engagés par la victime.
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