Bail commercial : la Cour de cassation règle le sort des loyers Covid
Au plus fort de la crise sanitaire de Covid-19, les pouvoirs publics ont mis en place des restrictions sanitaires temporaires sur l’ensemble du territoire afin de ralentir la propagation du virus. L’état d’urgence sanitaire est déclaré, interdisant aux établissements et aux commerces non-essentiels de recevoir du public. Seuls les achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et ceux de première nécessité sont alors autorisés. Un véritable coup dur pour les restaurants, les bars, les cinémas et les commerces de détail.
Ces restrictions ont conduit de nombreux commerçants à suspendre le paiement de leurs loyers et charges à leur bailleur. Mais ces mesures visant à interdire l’accueil du public dans les commerces peuvent-elles réellement justifier la suspension du versement des loyers ? Les bailleurs ont immédiatement lancé des actions en paiement et certaines procédures sont arrivées devant la juridiction suprême.
Par un arrêt n°21-20-190 du 30 juin 2022, la Cour de cassation tranche le sort des loyers Covid en écartant les fondements apportés par les locataires. Les mesures restrictives découlant du confinement ne sont pas des motifs de contestations sérieuses aux demandes de règlement des loyers. Démonstration en 3 points !
Refus du non-règlement des loyers Covid pour perte de la chose louée
S’appuyant sur l’article 1722 du Code civil, les locataires ont cherché à obtenir une suppression de leur loyer au motif l’interdiction d’exploiter leur local commercial durant le confinement s’apparentait à une perte de la chose louée.
Pourtant, la perte de la chose louée doit correspondre à une destruction, totale ou partielle, empêchant définitivement d’user de la chose. L’impossibilité de recevoir du public en période de crise sanitaire ne peut s’assimiler à une perte de la chose louée. Elle ne peut donc justifier un défaut de paiement des loyers échus.
L’effet de la mesure de fermeture temporaire n’a pas de lien direct avec la destination contractuelle du local loué. On ne peut donc l’assimiler à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du Code civil. Si le raisonnement n’est pas à l’avantage des petits commerçants dont la trésorerie est particulièrement fragile durant la pandémie, elle est irréfutable d’un point de vue juridique. C’est en réalité la nature même du commerce exploité, non-essentielle, qui est à l’origine de la fermeture. Et non pas le local en lui-même.
Rejet de l’argument du cas de force majeure
Une autre argumentation consistait à s’appuyer sur la force majeure. Prévue à l’article 1218 du Code civil, elle se caractérise par un événement imprévisible, irrésistible et extérieur à celui qui l’invoque. Cet évènement rend impossible l’exécution de l’obligation contractuelle. Le locataire estime pouvoir s’en prévaloir dans la mesure où le confinement échappe à son contrôle. Il est alors inévitable et non prévu lors de la conclusion du contrat.
Mais l’état d’urgence sanitaire est-il juridiquement un fait de force majeure ? En appel, les juges estiment que la force majeure est insuffisante pour écarter le paiement des loyers. Cela, même pendant les périodes de fermetures administratives des commerces non-essentiels.
La Cour de cassation donne quant à elle une réponse ferme à cette question. La force majeure et l’imprévision ne s’appliquent s’agissant du paiement des loyers, même en temps de crise sanitaire. Seule une impossibilité matérielle de payer, rendant la situation insurmontable, pourrait tempérer cette position de principe.
Absence de manquement par le bailleur à ses obligations
La justification du non-paiement des loyers Covid est également recherchée du point de vue du manquement du bailleur à son obligation de délivrance. Selon l’article 1719 du Code civil, le propriétaire doit mettre à la disposition de son locataire le local convenu, en bon état, afin de lui permettre une exploitation des lieux conformes à la destination prévue au bail.
Les juges se sont donc interrogés pour savoir si l’impossibilité de jouir du local était imputable au bailleur. Mais une jurisprudence constante réfute le manquement à l’obligation de délivrance dans le cas d’une décision administrative. Dans le cas précis du confinement, l’impossibilité d’exploiter les locaux loués tient seulement au fait du législateur.
Les locataires ont également invoqué un manquement à l’exécution de bonne foi au sens de l’article 1104 du Code civil. Selon eux, la bonne foi du bailleur aurait imposé l’adaptation des modalités d’exécution du contrat, comme la suspension du loyer commercial durant les mois de fermeture des commerces. La bonne foi dans l’exécution du contrat a ainsi justifié le rejet en référé des demandes formées par les bailleurs. Mais, dans son arrêt du 30 juin 2022, la Cour de cassation, estime qu’on ne saurait reconnaître la mauvaise foi du bailleur dès lorsqu’il a proposé de différer le règlement des loyerspour tenir compte des circonstances exceptionnelles. Les commerçants obligés de fermer pendant la crise de Covid doivent donc honorer tous les loyers en suspens.
Cette décision rappelle l’importance de la négociation contractuelle du bail commercial pour parvenir à une solution équitable et viable pour chacune des parties. Pour un accompagnement sur-mesure, contactez votre avocat en droit des affaires.
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